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Les premiers canons, apparus bien avant la première guerre mondiale et réellement présents sur les champs de bataille dès la fin du Moyen-Age, ont d'abord lancé des boulets pleins en pierre ou en fonte, ou encore de la mitraille de différentes natures.
On retrouve ainsi en 1273 trace de l'usage d'un canon à poudre par le Sultan arabe Abou-Youssouf, tirant du 'gravier de fer' sur les assiégés de Sidjilmesa ! Dans la seconde partie du moyen-âge, les bombardes de tous calibres se mirent à briser les murs des plus formidables forteresses avec des boulets pleins en pierre ou en fonte, entraînant une réforme profonde des principes des fortifications et annonçant l'avênement des systèmes de type 'Vauban' aux murs obliques.
Les projectiles creux, appelés 'obus', toujours sphériques et emplis de poudre ou de matière inflammable apparurent au 17ème siècle. La mise à feu différée de l'explosif interne sur la cible nécessita l'invention d'un nouveau dispositif, appelé 'fusée' qui n'était qu'un simple tube de bois traversant la paroi de l'obus au travers d'un 'oeil', rempli de pulvérain tassé à combustion lente et enflammé par les gaz chauds dans le canon au moment du départ.
Une autre évolution notable apparaît en 1803 quand l'officier britannique Shrapnell inventa l'obus sphérique creux portant son nom, empli de poudre et de billes d'acier, et dont l'explosion en plein vol dispersait une nuée de projectiles sur les adversaires à découvert.
Le 19ème siècle voit évoluer très rapidement les techniques de l'artillerie, dont les canons deviennent progressivement plus précis, plus rapides, plus puissants et de plus longue portée. Ces évolutions nécessitent de profonds changements des projectiles, qui vont passer de la sphère lisse aux engins complexes du début le la Grande Guerre.
On peut résumer sommairement cette évolution au travers des étapes suivantes :
A la suite des évolutions sommairement esquissées ci-dessus, les projectiles d'artillerie de 1914 sont généralement organisés comme cet obus Allemand de 7.7cm :
Son pendant Français de 75mm possède la même structure :
La nature des explosifs fit également l'objet d'une évolution. La poudre noire des débuts, facile à faire exploser par une amorce ou même par friction, n'était pas assez puissante et avait tendance à briser les obus en de trop gros fragments qui ne voleraient ni assez vite ni assez loin. Elle était encore en usage en 14/18, mais uniquement avec des munitions et canons anciens ou dans les fusées.
Cette substance fit donc peu à peu place à des substances dérivées de la Nitroglycérine, ingrédient actif de la célèbre dynamite, et en particulier le Trinitrotoluène (TNT). Cette substance agit en détonant plutôt qu'en explosant. La détonation est une réaction beaucoup plus puissante que l'explosion, qui est une réaction de surface se propageant progressivement couche par couche dans les grains d'explosifs, alors que la détonation embrase d'un coup toute la masse de la matière. Mais si la puissance brisante du TNT était de loin supérieure, sa détonation était souvent difficile.
Une substance 'miracle' fut trouvée, qui alliait grande puissance et facilité de détonation. L'acide picrique, appelé 'Mélinite' en France, et 'Lyddite' en Angleterre, ou encore 'Granatfüllung 88' en Allemagne fut utilisé. Toutefois, cette substance était délicate à produire et nécessitait de vernir ou étamer l'intérieur des obus car elle réagissait avec l'acier pour former des picrates instables risquant d'initier l'explosion sous le choc de l'accélération du départ... !
C'est ainsi que les armées revinrent des explosifs réalisant un meilleur compromis entre puissance et stabilité, et nécessitant le plus souvent d'adjoindre aux fusées un détonateur à haute explosivité (parfois appelé gaine-relais), par exemple en France empli de mélinite pulvérulente, et déclenché lui-même par une amorce au fulminate de mercure, activé par la fusée et chargé de faire détoner ensuite la charge principale.
Chaine pyrotechnique Française classique pour la détonation d'obus explosifs de 75mm chargés à la mélinite avec (de gauche à droite) une fusée à percussion de type 24/31, un adaptateur de filetage, une amorce de 2 grammes de fulminate de mercure, et un détonateur (parfois appelé gaine-relais) empli de mélinite pulvérulente.
différents explosifs furent utilisés pendant la Grande Guerre par les nations belligérantes, dont :
Appellation Allemande |
Appellation Française |
Appellation Britannique |
Type d'explosif |
Puissance |
Stabilité |
Remarques |
SchiessPulver |
Poudre noire |
Gunpowder |
Explosif |
Modérée |
Inflammable, explose sous l'action d'une flamme, d'une amorce ou d'une étincelle. |
Utilisé dans les artifices, la pyrotechnie des fusées, et des obus explosifs anciens. Plusieurs variantes de granulométrie et de composition. |
Fulminate de mercure |
Fulminate of mercury |
détonant |
Très élevée |
Hautement instable, détone au choc, à la friction ou à la chaleur. |
Produit un flash violent mais pas assez chaud et durable que pour enflammer de la poudre ou un explosif détonant stable. Utilisé donc comme amorce dans les fusées ou détonateur dans les obus, mais dans ce cas associé à une gaine-relais d'explosif instable. |
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Nitroglycérine |
Nitroglycerine |
détonant |
Très élevée |
Hautement instable, détone au choc, sous l'effet de la chaleur ou par décomposition en éléments encore plus instables sous l'effet du soleil. |
Utilisé dans la fabrication d'explosifs plus stables et de matières propulsives. |
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Granatfüllung 88 |
Acide Picrique ou mélinite |
Picric Acid ou Lyddite (fondu) |
détonant |
Très élevée |
Instable. détonne sous l'action d'un souffle, d'une amorce ou d'une étincelle. Forme en particulier des sels (picrates) très instables et auto-explosifs quand en contact avec métaux. |
Utilisation classique dans les gaines relais. détonne encore mieux sous forme refondue et donc plus dense que la forme pulvérulente, sous l'action d'un détonateur. |
Füllpulver 02 |
Tolite ou TNT |
Trinitrotoluene ou Trotyl (TNT) |
détonant |
Elevée, un peu moins que l'acide picrique |
Stable, ne peut détonner par la flamme ni par la chaleur ou réaction avec les métaux. nécessite un choc direct et puissant, ou l'action d'une amorce (p. ex. de fulminate de mercure) |
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Füllpulver 60/40 |
60/40 Amatol |
détonant |
Elevée |
Stable, mais moins que le TNT |
mélange de 60% de TNT et de 40% de nitrate d'ammonium |
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Tetryl |
Pyronite |
Tetryl ou Composition Exploding |
détonant |
Plus élevé que l'acide picrique |
Instable |
Utilisé comme amorce ou relais dans les fusées. |
fusée Allemande à double effet (fusante et percutante) Dopp Z 92. La coupe permet de voir les organes internes de ce dispostif mécanique et pyrotechnique sophistiqué. |
Les 'types principaux de fusées' en usage pendant la Grande Guerre et les 'modèles de fusées utilisés par différentes nations' font l'objet de rubriques spécifiques et très détaillées de ce site auxquelles l'on peut accéder facilement en cliquant sur ces liens.
Les obus à balles constituaient en 1914 les munitions principales de l'artillerie de campagne. Destinés à exploser au-dessus des formations ennemies par l'usage d'un mécanisme de mise à feu spécifique (fusée à temps) , ils dispersaient une gerbe mortelle de fragments et de balles tout en produisant un nuage de fumée qui permettait aux artilleurs de régler leur tir.
On distinguait principalement en 1914 deux types d'obus à balles : les obus à mitraille, et les obus à charge arrière, plus modernes.
La plupart de ces munitions et leurs fusées (à temps) associées avaient quasiment disparu des champs de bataille à la fin du conflit. Elles furent remplacées par des obus explosifs avec fusée instantanée, plus simples à fabriquer, ne nécessitant pas de réglage oar des canonniers de moins en moins expérimentés, et bien plus efficaces en particulier contre des troupes faiblement retranchées.
Organisation interne d'un obus à balles Français |
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Les obus explosifs et de rupture avaient été conçus pour se détruire en heurtant leur cible (ou en vol pour certains obus explosifs) sous l'action d'une forte charge explosive interne. Leurs parois épaisses fournissaient des éclats destructeurs, et l'explosion de la charge un effet de choc beaucoup plus important que celui des obus à fragmentation.
Les conflits du début du XXe siècle et les théories des états-majors démontraient ce qui allait devenir une évidence dès les premiers mois de la Grande Guerre : le besoin croissant d'obus de canons de campagne plus puissants que les obus classiques shrapnel, qui se montraient à peine à la hauteur pour la destruction d'abris légers en bois, terre ou brique en mode percutant. Cet obus était organisé comme un obus à balles à charge arrière, mais dans lequel la résine entourant les billes était remplacée par du TNT, décuplant l'effet explosif. Comme beaucoup de compromis techniques, ce projectile ne donnait toutefois pas entière satisfaction ni en tant qu'obus à balles, ni en tant qu'obus explosif, et fut donc graduellement abandonné. |
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Schéma de l'obus universel Allemand. | ||
Les Français firent une expérience comparable, tout aussi décevante et éphémère, avec leurs 'Obus Robin' appelés également 'obus à balles à charge mélangée', qui ne comportaient pas de chambre à poudre dans le culot. |
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Schéma de l'obus Robin Français. | ||
Les Austro-Hongrois adoptèrent un concept encore différent d'obus universel, nommé 'SchrapnellGranate' ou 'Obus Schrapnell'. Celui-ci ressemblait fortement à un obus à balles classique, avec chambre à poudre dans le culot et diaphragme propulseur et tube axial de transmission de flamme.
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Schéma de l'obus SchrapnellGranate Austro-Hongrois. | ||
Des projectiles spécialisés furent employés pendant toute la durée du conflit. la liste serait longue s'il s'agissait d'être exhaustif dans leur énumération, mais certains d'entre eux resteront à jamais sinistrement célèbres.
Les obus à gaz, lacrymogènes ou suffocants était basés sur le même genre de principe que les obus incendiaires, mais libéraient des matières toxiques ou irritantes en heurtant le sol. Ces obus était souvent composés d'un système à double enveloppe : l'enveloppe interne, contenant le produit agressif, pouvait être en verre, ou en acier de fine épaisseur. Dans d'autres types de design, le produit toxique était conditionné dans une bouteille de verre qui se brisait à l'arrivée au sol, en même temps que l'enveloppe de l'obus qui le transportait. L'emploi de ces obus nécessitait le plus souvent une 'fusée instantanée', afin que l'explosion ait lieu en surface. voir cet excellent site web pour une présentation précise de l'histoire et des matériels de la Grande Guerre des Gaz 'La Guerre des Gaz' |
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schéma de l'obus à gaz à croix jaune de 77 Allemand. Liquide toxique en contact direct avec les parois de l'obus. | schéma de l'obus à gaz à croix bleue de 77 Allemand. Liquide toxique contenu dans une bouteille de verre. | |