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Le canon de 75 était composé d'un tube en acier forgé et fretté d'un poids de 460 kg, monté sur un affût. L'intérieur du canon était usiné au calibre de 75 mm et comportait 24 rayures en spirale. Ces rainures donnaient à l'obus un mouvement de rotation autour de son grand axe, qui améliorait la stabilité de sa trajectoire par effet gyroscopique. La longueur du tube était de 36,6 calibres, c-à-d de 36,6 x 75 mm = 2745 mm.
Plus le tube est long et plus longtemps l'obus subit la poussée des gaz, donc plus sa vitesse initiale augmente, améliorant ainsi la portée maximale du tir. Ainsi, le tube de 2136 mm du canon allemand 77mm FK96, allongé en 1916 à 2743 mm (version 77 mm FK16) permit entre autres améliorations de faire passer la vitesse initiale de l'obus de 460m/s à 600 m/s, et en conséquence la portée de 5500 m à 10500 m.
Un Schéma du célèbre 'soixante-quinze' | Composants principaux du 75 de campagne |
L'affût était équipé d'un essieu avec roues en bois, d'un longeron muni d'une crosse avec bêche pour ancrer le canon au sol, d'un bouclier blindé pour protéger l'équipage, et d'un berceau orientable en élévation (entre -11° et +18°) par l'intermédiaire du système de pointage de hausse. Le tube reposait sur le berceau par des tourillons.
La pièce était équipée d'un mécanisme de frein récupérateur hydro-pneumatique, destiné à absorber la considérable énergie de recul du tir sur une course de 1093 mm et la restituer ensuite pour remettre le canon en position automatiquement sans nécessité de repointage (voir Schéma).
Pour fixer les ordres de grandeur, le départ de l'obus de 5,5 kg à la vitesse de sortie de 625 m/s à la bouche appliquait par réaction au canon pesant 1,14 tonnes une force recul de l'ordre d'une tonne, l'entraînant à une vitesse initiale de l'ordre de 7,5 m/s... Sans frein, la pièce serait partie en arrière sur plusieurs mètres, ou, bloquée par la bêche, aurait dangereusement sauté sur place !
système de frein hydro-pneumatique du 75 | système de frein hydro-pneumatique du 75 - coupe |
L'obus était solidaire de la douille qui comprenait la charge propulsive (configuration 'fixée'). Ce dispositif accélérait fortement la procédure de chargement du canon qui pouvait se faire avec un seul homme, contrairement à bien d'autres pièces de l'époque pour lesquels obus et douille étaient chargés séparément.
La munition était chargée et la douille vide éjectée par le mécanisme arrière du canon, appelé culasse. Le maniement de ce dispositif devait à la fois être rapide, et verrouiller de manière solide et étanche le fond du canon pour le tir. Le dispositif du 75, avec mécanisme excentrique, était particulièrement ingénieux :
Culasse fermée, prête pour le tir | Culasse ouverte, prête pour le chargement de l'obus |
Le dispositif de mise à feu fonctionnait par percussion d'une aiguille au travers de la culasse sur l'amorce de l'obus, déclenchée par simple traction sur une cordelette actionnant un marteau à ressort.
Cette pièce expédiait ses obus jusqu'à 6860 m, à la cadence d'un coup toutes les 6 secondes. Les armées Françaises disposaient de près de 4800 exemplaires de cette arme en 1914, et continuèrent à en produire des milliers au cours de la guerre : en 1918 plus de 17300 canons de 75 étaient en service...
En août 1914, les canons modernes contemporains armées avaient adopté la plupart des dispositifs présents sur celui-ci, en y apportant des modifications propres à leurs choix technologiques, aux propriétés désirées de l'arme, ou à son calibre. Par exemple, les freins récupérateurs de recul pouvaient être de type hydro-mécanique (huile + ressort), ou les mécanismes de fermeture de culasse de type 'tiroir' ou 'bloc coulissant' (Allemagne) ou 'pas de vis interrompu' (Angleterre et France).
Cette catégorie d'armes était dédiée à l'appui des troupes d'infanterie en campagne, que ce soit en opérations offensives (pour lesquelles la mobilité des pièces est essentielle), ou en opérations défensives (lorsque la puissance de feu prime). En conséquence les armes de l'artillerie de campagne se devaient de posséder de bonnes propriétés de mobilité, c'est à dire selon les standards de l'époque par traction hippomobile et si possible en un seul fardeau. La dénomination Allemande était la 'FeldArtillerie', et la Britanninque la 'Field Artillery'.
Son arsenal pouvait inclure des pièces de divers calibres, dont les canons et obusiers les plus mobiles étaient selon les nations inclues dans l'Artillerie légère de Campagne (en Allemagne Leicht FeldArtillerie, et au Royaume-Uni Light Field Artillery). Une distinction supplémentaire pouvait exister, surtout en France et en Grande Bretagne, entre l'artillerie de campagne et l'Artillerie de Cavalerie encore plus mobile.
Pour des raisons de facilité et de normalisation, certains auteurs (dont moi-même, dans mon classement arbitraire des canons survivants sur ce site) introduisent une notion très subjective d'Artillerie légère strictement liée au calibre et qu'il ne faut pas confondre avec la notion d'Artillerie de Campagne. Dans ce classement nous avons inclus dans l'Artillerie légère de campagne Les calibres sous 120 mm
Pour être un peu plus complets, notons qu'au début de la guerre la Russie disposait de canons de campagne de 76.2 mm et de 122 mm de conception Franco-Russe et en bonnes quantités, et la Belgique de canons allemands de 75 mm (fabriqués par Cockerill à Liège sous licence Krupp), et Français de 120 mm. Ces nations, ainsi que les Etats-Unis, furent ensuite largement approvisionnées avec les meilleurs modèles Français et Britanniques.
Les pièces de campagne de plus fort calibre, plus lourdes mais encore relativement mobiles (parfois au prix d'un démontage en plusieurs charges ou en posant le tube en position basse sur le châssis), étaient incorporées dans les rangs de l'Artillerie Lourde de Campagne. Cette catégorie existait également tant au sein de l'armée Britannique sous le nom d'Heavy Field Artillery, que dans l'armée Allemande où elle était particulièrement moderne et bien développée et pouvait se nommer Schwere FeldArtillerie ou encore Fuss Artillerie (artillerie à pied) en référence à sa motricité moindre.
Au cours du conflit, les industries d'armement privées de tous les belligérants, commanditées par les états-majors qui rencontraient un besoin sans cesse croissant de pièces de fort calibre au fur et à mesure que les positions sur le front stabilisé se renforçaient, développèrent un arsenal moderne de canons et obusiers lourds mais mobiles qui n'apparurent sur le front que progressivement à partir de 1916.
Combat du glaive contre le bouclier, de l'obus contre le blindage, la course au calibre et à la portée amena les belligérants à la démesure. Qui n'a jamais entendu parler de la 'Grosse Bertha', surnom donné par les Allemands eux-mêmes ('Dicke Bertha') à l'énorme M-Gerät 420 mm Kurze MarineKanone dont un obus suffit à faire sauter le fort de Loncin près de Liège ?
Mortiers de gros calibres alimentés par d'énormes obus à léger retardement pour maximiser l'effet de rupture, puis utilisation de longs tubes initialement développés pour la Marine, le prix à payer résidait dans le poids de la pièce qui ne fit que croître pour atteindre des valeurs de plusieurs dizaines de tonnes. Dans ces conditions, si les pièces lourdes et puissantes du début du conflit pouvaient encore être péniblement transportés lentement sur route après avoir été démontées en de multiples fardeaux, pour celles qui apparurent ensuite seul le transport ferroviaire était possible, créant ainsi la redoutable et abondante Artillerie Lourde sur Voie Ferrée ('ALVF' en France), la Railway Artillery en Grande-Bretagne et la Eisenbahn Artillerie en Allemagne et en Autriche-Hongrie.
Si l'artillerie conventionnelle, particulièrement à tir courbe, était parfaitement capable de détruire les tranchées, les abris et leurs occuppants, il fallait pour obtenir cet effet, sans devoir saturer le terrain avec des quantités importantes de projectiles, des obus transportant de fortes charges explosives (et donc de calibre suffisant), et une très bonne précision. Seule l'Allemagne disposait en août 1914 d'armes règlementaires portables capables de projeter des charges explosives verticalement et précisément, avec son parc de Minenwerfers confiés aux Pionniers . très vite, les autres belligérants eurent à déployer des armes équivalentes : pendant que les arsenaux planchaient sur des armes nouvelles qui n'arriveront qu'en 1915, la vedette revint dans un premier temps au système D dans les unités combattantes de tous les belligérants.
Avec ce foisonnement de 'mortiers de tranchées', des charges explosives aussi massives et mortelles que pataudes se mirent à pleuvoir de plus en plus fréquemment sur le front pour le plus grand malheur des soldats terrorisés pataugeant dans la boue, tirées par une multitude d'engins placés en première ligne... Ce déploiement au sein des combattants permettait à la fois une parfaite synchronisation plus difficile avec l'artillerie classique, mais le tir peu discret des mortiers de tranchées entraînait des tirs de contre-batterie meurtriers tant pour les pièces que pour leurs voisins qui rendaient souvent les conditions de voisinage houleuses ! Le principe de mortiers pneumatiques n'âmettant pas de fumée et peu de bruit, adopté rapidement par l'Autriche-Hongrie, fut ainsi mis en oeuvre aussi par d'autres nations comme la France.
Ces nombreuses armes, pratiquement nées de la Grande Guerre et si tristement célèbres dans la mémoire de celle-ci, eurent paradoxalement une brève existence puisqu'elles disparurent presque complètemment à la fin de ce conflit. Leurs uniques descendants sont les petits mortiers d'infanterie utilisés par toutes les nations du monde depuis, et tous issus du mortier Stokes inventé en 1915 en Angleterre.
La première guerre mondiale marque le déclin des forteresses : les camps fortifiés de Liège, Anvers, Namur, Maubeuge, Reims et Verdun furent écrasés sous les obus de la redoutable artillerie lourde allemande. Qu'ils aient résisté ou se soient rendus, intacts ou ruinés, même si ce n'est qu'à l'état de ruine que certains d'entre eux résistèrent ou capitulèrent, leur invincibilité fut sévèrement remise en question et la France alla même jusqu'à en démanteler partiellement l'artillerie pour réutiliser les tubes dans leur armée de campagne.
Car ces profondes taupinières blindées étaient elles-mêmes le plus souvent des batteries d'artillerie couvrant de leur feu les routes d'investissement d'une ville, ou des voies d'invasion. Leurs pièces de divers calibres étaient encore parfois placées sur des parapets, mais dans le cas des forts modernes elles étaient abritées sous d'épaisses coupoles d'acier escamotables, ou disposées judicieusement dans des casemates pour interdire l'accès aux fossés.
Les forts ceinturant une ville étaient disposés pour prendre sous leur tir croisé les accès des cités qu'ils défendaient, et étaient aussi capables de se tirer les uns sur les autres, pour se prêter de l'aide lorsque l'infanterie ennemie envahissait leurs superstructures !
La crédibilité tactique de ces forteresses fut définitivement détruite en 1940 avec la chute rapide des forts Belges et de ceux de la Ligne Maginot devant l'agilité tactique, l'audace stratégique et les innovations technologiques du IIIe Reich.
Une autre innovation technologique de la Grande Guerre est la naissance des blindés et de l'artillerie auto-tractée. Engin miraculeux enfin susceptible de percer le front fortifié en écrasant les réseaux barbelés et en passant au-dessus des tranchées en terrorisant leurs occuppants, de gros espoirs furent fondés sur les premières unités engagées par les Britanniques dans la Somme à l'été 1916, et par les Français dans l'Aisne au printemps 1917.
Et pourtant les succès se firent attendre pour les deux alliés, qui mirent longtemps à trouver à la fois les tactiques d'emploi adéquates de ces engins, et la formule technologique idéale. Si certains de ces chars étaient simplement armés de mitrailleuses, la majorité d'entre eux emportaient à bord des pièces d'artillerie spécialement adaptée.
Ce n'est finalement qu'en 1918 avec la reprise de la guerre de mouvement que les blindés légers (comme le Renault FT Français) devinrent des composants essentiels à la victoire des alliés. L'Allemagne ne crut vraiment jamais à l'utilité des blindés et n'y consacra qu'une infime part de son effort de guerre dont elle se devait d'être économe du fait du blocus maritime : seuls de rares et peu efficaces blindés de construction Allemande furent employés aux côtés de chars Britanniques de prise réarmés de canons de prise Belges. A la fin du conflit, de l'artillerie lourde autotractée montée sur des châssis chenillés commençait à être déployée par la France, mais elle arriva trop tard pour réellement partciper aux combats.
Avant la première Guerre Mondiale, la puissance militaire d'un pays se mesurait particulièrement dans la puissanec de sa flotte de guerre. En 1914 d'énormes bateaux cuirassés et très lourdement armés par des canons profitant des évolutions technologiques les plus pointues dotaient les flottes de la Grande-Bretagne, des USA, de la France, de l'Italie, de la Russie, de l'Autriche-Hongrie et de l'Allemagne. Certains de ces tubes équipaient également des pièces destinées à la défense des côtes.
Tout cet arsenal ne fut finalement que très peu employé au combat durant le conflit, à l'exception de quelques rares batailles en pleine mer, ou d'encore plus rares opérations amphibies (comme celle des Dardanelles). Alors que les unités Allemandes et Austro-Hongroises restèrent le plus souvent au mouillage dans leurs bases, la flotte Britannique fur surtout employée au blocus maritime de l'Allemagne et à l'escorte des convois entre les USA, l'Angleterre, la France et la Russie, qui étaient la proie des sous-marins Allemands, autre innovation de la Grande Guerre. Les flottes Françaises et Italiennes se consacrèrent surtout à la domination des eaux de la Méditerrannée.
Certains pays comme la France et l'Allemagne profitèrent de cette relative inaction pour désarmer partiellement certaines unités de mer ou de côte de leurs canons ou se saisir de leurs tubes de réserve et les utiliser pour bâtir une artillerie terrestre lourde, ou de grande puissance. L'Allemagne utilisera ainsi de nombreuses pièces de marine avec leurs équipages pour la défense du littoral Belge, dans une version primitive et sur-armée du futur Mur de l'Atlantique.
Si les militaires utilisaient déjà les ballons captifs et les dirigeables depuis plus d'un siècle, l'usage de l'avion par les armées est une autre innovation née de la Grande Guerre. Eclaireurs, observateurs d'artillerie, chasseurs ou bombardiers, ces engins connurent une évolution impressionnante au cours des 4 années de conflit.
L'artillerie contre aéronefs qui avait été inventée au cours du XIXe siècle était conçue pour la lutte contre les dirigeables, mais elle était insuffisante en nombre et inadaptée techiquement pour constituer une menace sérieuse contre les avions bien plus rapides et agiles. Entre 1914 et 1918 toutes les nations en guerre durent donc développer les armes, les munitions et les techniques de tir adaptées à cette nouvelle menace, et en construire de grandes quantités.
Cet essor peut être illustré par l'évolution du nombre de canons de DCA Français qui passa de 1 seule pièce disponible en août 1914 à 404 en novembre 1918. Au cours des premières années de guerre, ces pièces furent d'abord souvent fabriquées sur base de tubes d'artillerie de campagne, souvent pris à l'ennemi pour l'Allemagne. Ensuite des tubes spécialement conçus pour cette mission n'apparaissent, dont l'ancêtre du futur fameux canon de flak de 88 Allemand de la seconde guerre mondiale.
Si les reliefs montagneux ne sont pas particulièrement propices aux opérations militaires, les considérer comme une défense inviolable est une erreur que plus personne ne commet depuis plus de 2200 ans et la traversée des Alpes par Hannibal...
A la fin du XIXe siècle, les arsenaux de la plupart des pays avaient développé des pièces spécialisées dans les opérations de montagne. Par ailleurs les fabricants privés de canons avaient également détecté un marché et proposaient des pièces dans leurs catalogues pour l'exportation. Le cahier des charges imposé à de telles armes imposait invariablement la transportabilité à dos d'homme ou d'animal, ce qui impliquait le démontage en piècesélémentaires de poids léger. Il fallait aussi que ces pièces soient peu encombrantes pour mise en batterie dans ds environnements exigus. Enfin, il était important qu'elles conservent une bonne puissance destructrice malgré l'impossibilité de mettre en oeuvre des calibres trop importants, et que leur angle de tir puisse varier grandement, avec des angles négatifs.
Rien d'étonnant que ce soit l'Autriche-Hongrie, pays majoritairement couvert de montagnes, qui ait mené en tête de la lutte technologique dans ce domaine et ait mis en oeuvre une impressionnante variété de pièces. Mais l'Italie, la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne développèrent et utilisèrent aussi des armes de ce type. A titre d'exemple, la France avait débuté le conflit avec 120 canons de 65 de montagne, et en disposait toujours de 96 en novembre 1918.
Il suffit de se rendre sur un ancien champ de bataille pour voir les effets d'un bombardement d'artillerie de la Grande Guerre. Terrain retourné, trous d'obus jointifs et superposés de plusieurs mètres de diamètre et de profondeur, la destruction des positions organisées est souvent totale, à tel point que les combattants finirent par utiliser les cratères eux-mêmes comme trou de fusillier lorsque les tranchées, abris ou positions bétonnées avaient disparu.
La puissance de feu était phénoménale et ne cessa de grandir avec l'avancement du conflit. L'immense majorité des ressources des industries des pays en guerre lui fut consacrée. Depuis premiers combats de la guerre de mouvement de l'été 1914 aux grandes offensives préparées par l'artillerie pilonnant pendant plusieurs jours les positions ennemies de plus en plus retranchées, les ordres de grandeur parlent d'eux-même et sont incroyables...
Quelques exemples :
D'autres preuves de ce déluge de feu sont à la portée d'un visiteur des anciens champs de bataille, d'un simple regard posé sur les débris que l'on y trouve encore : quantité de balles de plomb vomies par les obus shrapnell, mortels éclats d'acier de toute taille résultant de la déflagration d'obus explosifs, lourdes Fusées d'obus, enveloppes de projectiles à balle ou chimiques, parfois même des traces d'explosif... Tant d'énergie explosive et de matériaux lourds, projetée à plusieurs centaines de km/h sur des régions limitées, eurent des effets dévastateurs sur le terrain et les combattants.
C'est un véritable hachoir à soldats qui s'abattit sur les troupes prises sous un bombardement, et les blessures furent le plus souvent horribles, et léthales. Les blessés qui s'en sortirent restèrent le plus souvent marqués profondément dnas leur chair et leur esprit, estropiés et traumatisés.
Corps désintégrés et émiettés, hommes coupés en morceaux, membres arrachés, faces défigurées, soldats saignés à blanc par des plaies béantes ou hémorragies internes dont la seuls trace externe est un petit trou pratiqué par un minuscule éclat, organes détruits par l'onde de choc de l'explosion, corps projetés en l'air et désarticulés, hommes intoxiqués, aveuglés, asphyxiés, brûlés, ... 80% des blessés de la grande guerre le furent par les effets de l'artillerie.
Dans certains cas, les effets secondaires eux-mêmes tuèrent ou blessèrent aussi sûrement : souffle de l'explosion qui projetait les corps en l'air et les désarticulait ou détruisait les organes internes, brûlure par la chaleur des flammes, ensevelissement dans les abris bouleversés, ou choc psychologique momentanément incapacitant ou rendant définitivement fou.
La Grande Guerre a été celle de l'artillerie, sans pourtant que son rôle ait permis à l'une ou l'autre nation de remporter la victoire décisive. Cette terrible guerre lui a permis de progresser technologiquement à une vitesse effarante en quelques années, et lui a donné un rôle primordial dans les combats qu'elle ne tiendra plus jamais lors des conflits ultérieurs. Mais surtout, l'artillerie de la Grande Guerre fut le plus grand meurtrier de ce conflit qui laisse dans les mémoires une trace sanglante de souffrance physique et d'inhumanité.