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Introduction Choix des matériaux en temps de paix
Les contraintes de l'économie de guerre
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C'est le cas des fusées Allemandes dont l'incroyable variété de modèles se combine à une évolution des matériaux utilisés qui reflète les difficultés qu'un pays en guerre et soumis à un blocus maritime rencontre pour équiper ses armées de munitions performantes et en quantités suffisantes.
Comparativement à leurs homologues Françaises en particulier, les fusées Allemandes étaient des pièces souvent volumineuses et lourdes (par exemple jusque 1.5 kg pour la fusée percutante HZ14), participant d'ailleurs à l'équilibrage de l'obus sur sa trajectoire. Le matériau utilisé classiquement pour la réalisation de leur corps était, comme dans tous les pays,
initialement le bronze (alliage de cuivre et d'étain, généralement dans les proportions proches de 85% / 15%)
puis principalement le laiton (alliage de cuivre et de zinc, généralement dans les proportions proches de 60% / 40%),
et parfois l'aluminium ou l'acier (comme dans la fusée à double effet Dopp Z 96, ou la fusée à quadruple effet HZ 05).
La lourde fusée percutante HZ14 de l'obusier léger de campagne de 10.5cm, entièrement réalisée en laiton, pesait près de 1.5 kg | La fusée à double effet Dopp Z 96 du canon de campagne 7.7cm FK96, conçue en 1896, était légère avec un design utilisant de l'aluminium pour les plateaux et de l'acier pour le corps et la coiffe. | La fusée à quadruple effet HZ 05 de l'obusier léger de campagne de 10.5cm, conçue en 1905, possédait un corps en laiton, des plateaux en aluminium, et une coiffe en laiton |
Les alliages nobles de cuivre présentaient l'avantage d'une certaine facilité de fabrication par moulage, d'une bonne usinabilité, de bonnes propriétés mécaniques et d'une excellente résistance à la corrosion. L'aluminium possédait les mêmes deux premières qualités, avec en plus une faible densité intéressante mais une médiocre résistance mécanique et à la corrosin. L'acier était parfois préféré pour la calotte en particulier, pour ses propriétés mécaniques de loin les meilleures qui préservait tant que possible le mécanisme lors de l'impact.
Le design de la fusée percutante GrZ96/04 pour l'artillerie lourde était majoritairement en laiton, usiné jusque sur la calotte qui comportait des évents, des ouvertures et les organes de réglage du délai. | Le design de la fusée percutante GrZ04 succédant à la GrZ96/04 était manifestement modifié pour renforcer la résistance du système au choc de l'atterrissage, le réglage étant cette fois accessible par action sur un plateau en laiton, protégé par une coiffe en acier . | Sur ce modèle de fusée à quadruple effet HZ 05 fabriqué en 1915, la coiffe en laiton a été remplacée par une coiffe en acier, plus résistante au choc. |
Dès les premiers mois du conflit, puis de manière encore accrue dès le début de la guerre de position et de siège, l'artillerie se mit à consommer de faramineuses quantités de munitions de tous calibres, sollicitant de plus en plus intensivement l'industrie de guerre des pays belligérants, rapidement aidée par l'industrie civile mobilisée. Alors que la France et l'Angleterre avaient un accès relativement facile aux mines de cuivre et de métaux de leurs vastes empires coloniaux, l'Allemagne fut rapidement soumise à un strict blocus maritime, lui interdisant l'accès aux ressources de ses rares colonies ou de fournisseurs étrangers.
Elle dut donc très rapidement se procurer les énormes quantités de cuivre nécessaires à ses fabrications de guerre par d'autres moyens complètant ses faibles ressources naturelle continentales et ses stocks : pillage des métaux des régions occuppées (dont les cloches d'église), collecte de casseroles et d'objets de décoration en métaux et recyclage intensif des douilles, cartouches et fusées utilisées ramassées sur les champs de bataille. L'utilisation de ces objets pour fabrication d'artisanat de tranchées allié formellement interdite au sein de l'Armée Allemande et très sévèrement punie.
A partir de 1915 - 1916, le conflit se prolongeant, ces sources d'approvisionnement de cuivre de révélèrent insuffisantes et l'on vit peu à peu les fusées fabriquées avec des métaux moins nobles mais plus abondants et nettement moins coûteux. Il remarquable de constater que tous les nouveaux modèles de fusées Allemandes introduits à partir de 1915 sont conçus avec de moins en moins - voire plus du tout - de laiton, remplacé par des matériaux moins rares.
C'est ainsi que furent progressivement introduits :
l'aluminium faiblement allié (92 % aluminium, 5% étain, 2% cuivre)
les alliages de zinc de différentes compositions (par exemple 90% zinc, 4% cuivre, 3% aluminium, 1% plomb) et de propriétés tout aussi médiocres que variables
le Zamak, nom signifiant en allemand "Zink, Aluminium, Magnesium, Küpfer" en proportions usuelles 94% zinc, 4% aluminium, 1% cuivre;
l'acier (97% fer, 1% manganèse, 0.5% de carbone et quelques éléments d'alliage en faible proportion tels que le nickel, le chrome ou le tungstène)
A l"exception de l'acier, ces matériaux de moins en moins nobles étaient faciles à couler grâce à leur bas point de fusion. De même, leur usinage était aisé, et ils étaient particuièrement recyclables. En contrepartie ils présentaient de plus faibles propriétés mécaniques et de piètres qualités de résistance à la corrosion. Alors que cette dernière caractéristique aurait été rédhibitoire en temps de paix pour la conservation des munitions dans les dépôts, elle était moins cruciale en plein conflit alors que les obus étaient vraisemblablement consommés par les voraces unités d'artillerie presque au fur et à mesure de eur production.
La différence des propriétés de résistance à la corrosion entre le laiton et les matériaux de susbtitution moins nobles est évidente quand l'on compare ces exemplaires de fusée à double effet Dopp Z92nF retrouvés sur le terrain plus de 100 ans après leur utilisation. | fusée percutante instantanée EHZ16 de design 1916 et entièrement conçue dès l'origine en acier et alliage de zinc. |
La fusée percutante KZ14 du canon de campagne de 7.7cm est probablement celle qui a été fabriquée avec le plus de variantes de matières pendant tout le conflit, alors que son design original en laiton ne date que de 1914. Cette particularité est démontrée sur la photo suivante :
Certains exemplaires fabriqués en alliage de Zinc pouvaient être dotés d'un marquage indiquant sa composition. Ainsi, lorsqu'elle était fabriquée en alliage de zinc, la fusée percutante KZ 14 pouvait éventuellement être estampillée
"KZ 14 Z",
"KZ 14 Zl",
"KZ 14 Zp",
"KZ 14 Zw"
ou "KZ 14 nA Zl"
L'économie de guerre de l'Allemagne en guerre et sous blocus allié poussa également ses ingénieurs militaires à simplifier de plus en plus grandement les designs de leurs fusées afin d'en diminuer la complexité de fabrication et donc le coût, parfois au détriment de la sécurité ou de la fiabilité. Cette évolution vers la simplification est bien illustrée dans les pages de ce site consacrées aux fusées allemandes présentées en ordre chronologique.