DE GRANDS NOMS DE LA LITTERATURE...

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Il n'y a pas que Maurice Genevoix et Gabriel Chevallier (voir Les classiques ) : Duhamel, Jean Giono, Henry de Montherlant, Louis Aragon... toute une génération d'écrivains et de poêtes furent plongés dans la guerre au même titre que leurs jeunes contemporains.

Jean Norton Cru et la polémique des romans de guerre
Les oeuvres

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Il en fut qui se firent chantres de la guerre, à l'embrasement initial ou pendant les combats mais bien à l'abri de ceux-ci, et envers lesquels les poilus nourriront une forte animosité (par exemple Maurice Barrès qui préparait les esprits à la revanche avec ses théories sur la fidélité au sol natal, suivi pendant le conflit par son fils Philippe Barrès).

Certains y perdirent la vie : Alain Fournier, auteur romantique du "Grand Meaulnes" fut tué dans des circonstances encore assez toubles sur la Tranchée de Calonne le 22 septembre 1914. La gloire posthume de Charles Péguy, qu'une balle allemande en plein front l'emporte le 5 septembre 1914, aux premiers instants de la bataille de la Marne, se développa à la relecture de ses écrits empreints d'une ferveur patriotique exaltée).

D'autres moururent des suites du conflit (Guillaume Appolinaire, touché à la tempe le 17 mars 1916 et trépané, succomba affaibli par sa blessure à l'épidémie de grippe espagnole le 9 novembre 1918 laissant derrière lui une grande oeuvre poétique).

Parmi ceux qui survécurent, beaucoup désirèrent mettre leur art au service du souvenir. Mais que vaut leur témoignage ?


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Jean Norton Cru et la polémique des romans de guerre.

Le roman de guerre s'éloigne parfois du témoignage pur et dur, lorsqu'une volonté de belle littérature accompagne le désir de communiquer sa propre expérience. Cette évidence fut cependant au centre des polémiques initiées par le critique Jean Norton Cru, dans son livre "Témoins" cité par ailleurs. (voir Autres témoins). Laissons celui-ci exposer sa théorie sur le témoignage de guerre, en lisant cet extrait de sa critique du superbe "Vie des Martyrs" de Duhamel :

"C'est peut-être un préjugé de Poilu, mais je trouve choquant que l'on cisèle et polisse l'histoire (...) dont les éléments ont été puisés dans tant de souffrance réelle. Ces faits qui sont si près de nous ne devraient pas servir de thèmes : qu'on les raconte exactement ou qu'on les taise. La souffrance physique des blessés est sacrée comme la souffrance morale des poilus de la Tranchée des Baïonettes dont je déteste la légende parcequ'elle est un mensonge, un mythe flatteur et grandiose.

Thèmes littéraires, légendes ou mythes fondés sur notre vie souffrante de poilus sont une impiété, un anachronisme, une pratique dangereuse puisque le seul espoir en une humanité moins féroce est de faire une humanité curieuse de vérités et à qui l'on dira le maximum de précisions sur la guerre."

Position très louable, et compréhensible pour quelqu'un qui a souffert dans sa chair pendant de longues années de front, et se sentant trahi par le 'Bourrage de crâne' de la presse à l'arrière et les discours des va-t-en guerre. Son combat contre les faux témoins embusqués ayant inventé ou fortement embelli leur histoire, ou contre les mythomanes de la guerre racontant pendant le conflit ou pire, après celui-ci, comment celle-ci est 'fraîche et joyeuse', est juste.

Toutefois, ce faisant, Norton Cru refuse de comprendre que les caricaturistes que sont Dorgelès ou Barbusse, ou les grands noms de la littérature que sont Giono, Duhamel ou Cendrars poursuivent les mêmes objectifs que les siens, même s'ils ont choisi d'autres approches que le témoignage direct : dire, crier, hurler que la guerre est atroce, infâme et inhumaine.

Près d'un siècle après celle-ci, et après la disparition quasi totale de ses derniers témoins directs, la polémique perd de son sens. Ne vous privez pas des belles pages qui suivent, et gardez de Norton Cru simplement l'esprit critique sans l'intolérance.

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Les oeuvres

Chant Funèbre pour les Morts de Verdun (Henry de Montherlant 1924 - Ed. 1925) Simple soldat dans l'infanterie, Henry de Montherlant est grièvement blessé en 1918. Auteur par la suite de plusieurs textes particulièrement sophistiqués, comme ce "La Reine Morte" qui sut m'émouvoir dans mon adolescence, il rédigea plusieurs romans et souvenirs de guerre : "Service Inutile" (1935), "La Relève du Matin" (1920), "Le Songe" (1922). Mais plus que tous, c'est "Chant Funèbre pour les Morts de Verdun" (1924) que le texte vibre le mieux en relatant avec une émotion très solennelle le pélérinage de l'auteur à Verdun, dédié en preuve d'amitié à l'Oeuvre de l'Ossuaire de Douaumont. Les Grands Cimetières Sous la Lune (Georges Bernanos 1938 - Edition 1938) En août 1914, Georges Bernanos, écrivain cherchant son style, est réformé. Il s'engage pourtant comme volontaire, et fait la guerre dans les tranchées. C'est dans les années 20 que débutera sa véritable carrière d'écrivain, avec "Sous le Soleil de Satan". Habitant aux Baléares en 1936 pendant qu'il rédige son fameux "Journal d'un Curé de Campagne", il assiste horrifié aux débuts de la guerre d'Espagne. Son livre "Les Grands Cimetières Sous la Lune" (1938) est un réquisitoire violent contre les causeurs de guerre, et comporte de nombreuses références à son expérience de 14/18.
Le Grand Troupeau (Jean Giono 1931 - Ed. 1941) Quelle maîtrise de la langue ! Quelle justesse ! Jean Giono, originaire de Manosque dans le sud de la France, et qui a terminé la guerre comme 'soldat de seconde classe, sans croix de guerre', et qui sera égalemnt un peu trop 'Vichyiste' en 40/45 est inspiré lorsqu'il imagine dans "Le Grand Troupeau" un parallèle entre les moutons, multitude que l'on emmène en transhumance, et les soldats menés à la guerre. Des pages de toute beauté où la lecture se fait au second degré avec recueillement. Quant à la 'veillée à corps absent' dans un petit village provençal, cierges autour d'une table où manque le corps d'un être aimé mais disparu à la guerre, la pitié que ces pages inspirent vous transportera... Les Hommes de Bonne Volonté - Verdun (Jules Romains 1939 - Ed. 1939) Jules Romains n'a fait la guerre 'que' dans un service auxiliaire. Et pourtant tous s'accordent à reconnaitre que les deux volumes de son roman fleuve "Les Hommes de Bonne Volonté" dédiés à la période de Verdun en 1916 sont saisissants de vérité. Dans "Prélude à Verdun" (1938), et "Verdun" (1939), Jules Romains peint avec une intensité dramatique intense les premières minutes de la titanesque bataille, puis les combats désepérés qui s'y déroulèrent. Du grand art !
La Vie des Martyrs (Jean Duhamel 1917 - Ed. 1923) Voici un des livres qui déchaina les critiques de Jean Norton Cru. Ecrivain peu connu abant 1914, c'est avec ses souvenirs de Médecin aux armées pendant la Grande Guerre que débuta la carrière littéraire de Jean Duhamel, auteur par la suite de livres très célèbres et encore étudiés dans les lycées ("Le notaire du Havre", issu du roman fleuve "Les Pasquier"). Ses 3 livres ("La vie des martyrs" (1917), "Civilisation" (1918) et "Les 7 dernières plaies" (1928)) regroupant des portraits très stylisés de blessés ou de membres du corps médical. La grande maîtrise de la langue permet d'atteindre aisément l'objectif de ces oeuvres faites pour inspirer la pitié. A lire à voix haute pour soi tout seul, bouleversement garanti ...
Oeuvres Complètes (Mac Orlan 1917-1939 - Ed. 1970) Si Mac Orlan fut entre autres par la suite l'auteur de "Quai des Brumes", qui inspira un des classiques du cinéma français de l'entre deux guerres, ses mémoires de guerre ("Propos d'Infanterie" (1917), "Les Poissons Morts" (1917), "Dans les Tranchées" (1939)) nous intéressent au premier plan. Seule mais excusable 'ombre au tableau', il déclare souffrir d'une amnésie pour les scènes de combat, qui sont donc absentes de ses récits. Ses sensations de retour à Verdun après guerre, notées dans "Verdun" (1934) sont parmi les plus émouvantes sur le thème du pélérinage, et les plus actuelles.....
Parabole (William Faulkner 1950 - Ed. 1997) Voilà une idée à la fois originale et hardie, de faire un parallèle, une "Parabole" (au sens littéraire du terme) entre les dernières heures de Jésus Christ entouré de ses apôtres puis sa résurrection, et une escouade de 12 soldats français isolés par la dernière offensive allemande de 1918 en haut d'une colline, autour d'un caporal. Exercice de style réussi haut la main par William Faulkner ! Voyage au Bout de la Nuit (Louis-Ferdinand Céline 1952 - Ed. 1987 ) Jeune médecin, Louis-Ferdinand Céline s'engagea comme volontaire dans l'infanterie. Remarqué pour son héroïsme en 1915, il fut ensuite blessé et réformé. C'est son dégout profond pour la guerre qu'il exprime dans son roman "Voyage au Milieu de la Nuit" dont les premiers chapitres sont une écriture à peine déguisée de ses souvenirs. Révolte, désepoir, ce livre est un cri violent. Céline écrivit égalemnt le magnifique "Mort à Crédit", avant de sympathiser avec le régime de Vichy pendant la guerre 40/45, ce qui lui vaudra une condamnation en 1950.
La Main Coupée (Blaise Cendrars 1946  - Ed. 1998) Un 'cas', ce Blaise Cendrars ! Citoyen suisse, engagé pour la durée de la guerre dans la Légion Etrangère, son livre "La Main Coupée" (1946) regorge de personnages étranges et de récits mouvementés. Seul problème, la véracité de certaines de ses 'mémoires' a été mise à mal, son unité n'ayant pas participé à certaines des batailles relatées. Mais son bras amputé suite à une blessure grave reçue en Champagne, à la ferme de Navarin le 25 septembre 1915, est bien réel, et son style est tellement moderne... Cendrars l'aventurier racontera aussi un peu de sa guerre dans "L'Homme Foudroyé" (1945), et dans un poëme "J'ai Tué", avant de connaître le succès avec ses livres exotiques... Les Silences du Colonel Bramble, suivi de Les Discours du Docteur O'Grady (André Maurois 1918 - Ed. 1946) Grâce à sa maîtrise de la langue anglaise, André Maurois obtint un poste d'agent de liaison auprès des troupes britanniques. Ses deux ouvrages, souvent réunis dans un seul volume ("Les Silences du Colonel Bramble" (1918), et "Les Discours du Colonel O'Grady" (1922) sont intéressants pour l'illustration humoristique qu'ils font du choc des cultures françaises et anglaises pendant le conflit. Il s'agit certes de témoignages d'état major, mais empreint d'une dérision finalement assez britannique !
Mars, ou la Guerre Jugée (Alain 1921 - Ed. 1936) Célèbre philosophe français, connu pour ses très nombreux "Propos", Alain fut d'abord téléphoniste dans une unité d'artillerie lourde. Il tire de cette expérience matière à disserter sur cette absurdité qu'est la guerre, dans son ouvrage philosophique "Mars, ou la Guerre Jugée" (1921) rédigé en grande partie pendant le conflit. Ses mémoires de guerre sont consignées de manière beaucoup plus accessible dans ses "Souvenirs de Guerre" (1933). Dans ceux-ci, son expérience de Verdun vu par l'artillerie lourde a valeur de témoignage assez original. La Roue Rouge - Août 14 (Soljenitsyne 1971 - Edition1985) Bon courage à qui voudrait attaquer la lecture de cette oeuvre monumentale intitulée "La Roue Rouge" relatant dans le détail la révolution russe de 1917. Soljenitsyne n'a pas connu la Guerre 14/18, mais il sait combien ce conflit fut à la base des transformations profondes de son pays, la Russie. Malgré tout, le premier tome de ce monument, "Août 14", livre une version fidèle et saisissante des combats du début de la guerre en Prusse Orientale, où le sort des armes hésita longtemps avant de consacrer la victoire allemande à Tannenberg.
A Farewell to Arms - L'Adieu aux Armes (Ernest Hemingway 1929 - Ed. 1977) "L'Adieu aux armes", de Ernest Hemingway, est un roman fortement auto-biographique de ce futur best-seller (qui n'a pas lu "Le Vieil Homme et la Mer" ?), américain engagé volontaire comme brancardier sur le front d'Italie. Les scènes de panique de la retraite Italienne de 1915 sont mémorables, et font pardonner la fin mélodramatique qui semblait si inutilement triste quand, tout gamin, quand je vis le film hollywoodien qui s'en inspira. Au-dessus de la Mêlée (Romain Rolland 1915 - Ed. 1915) Romain Rolland inaugura avant guerre la mode du roman-fleuve avec les 10 volumes de "Jean-Christophe". Trop vieux pour être mobilisé en 1914, il rédigea depuis la Suisse une série d'articles sous le titre générique "Au-dessus de la Mêlée" déplorant que deux peuples d'une même civilisation puisse faire sombrer celle-ci dans la catastrophe. Ces belles pages lui valurent le Prix Nobel de Littérature 1916... et l'incompréhension offusquée des deux camps belligérants !
Les Marchands de Gloire (Marcel Pagnol 1925 - Ed. 1977) Inoubliable auteur de la Trilogie "Marius", "Fanny" et "César", de "Manon des Sources", "La Gloire de mon Père", ..., Marcel Pagnol débuta sa carrière littéraire par des oeuvres moins connues, dont cette pièce "Les Marchands de Gloire" dans laquelle il dénonce ceux qui exploitent la mémoire des morts au champ d'honneur. Les Thibault  (Roger Martin du Gard 1922 à 1940 - Ed. 1955) Roger Martin du Gard est un autre des grands noms du roman fleuve. Dans son oeuvre monumentale de 8 volumes, "Les Thibault", bâtis autour des destins des membres d'une famille, il raconte avec beaucoup de talent les bouleversements familiaux apportés par le conflit, et en particulier le calvaire des blessés par le gaz.
Oeuvres Poétiques (Guillaume Apollinaire 1901-1918 - Ed. 2001) Guillaume Apollinaire, de nationalité russo-polonaise, était déjà un poête célèbre, fréquentant le milieu artistique parisien (Picasso fut son ami personnel) lorsqu'il s'engagea dans l'Armée française en 1914. Il mèlera dans les superbes vers de "Calligrammes", "Il y a","Poèmes à Lou", "Le Guetteur Mélancolique", "Poèmes à Madeleine" et "Poèmes à la Marraine", rassemblés dans ses "Oeuvres poétiques", son expérience militaire au sein du 38 RAC puis du 96 RI et sa passion pour les femmes qu'il aima. Trépané en 1916 suite à une blessure reçue au Bois des Buttes (Aisne), il décédera de la grippe espagnole le 9 novembre 1918 à Paris.
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